Chronique du livre de Vineet Nayar
Les employés d’abord – Les clients ensuite
Un mot sur l’auteur
Vineet Nayar, né en 1962, est un homme d’affaires indien, expert des technologies de l’information et du management d’entreprise.
Vineet Nayar est aujourd’hui CEO, vice-président du Conseil d’administration et Membre permanent du Comité de Direction de HCL Technologies, société de services informatiques d’origine indienne.
Il a signé en 2010 le livre Employees First, Customers Second: Turning Conventional Management Upside Down (Harvard Business Press, juin 2010), considéré comme la base d’un nouveau mode de management de l’entreprise par le magazine américain Fortune.
La méthode
Dans cet ouvrage Vineet Nayar propose une méthode applicable à n’importe quel type d’entreprise dans n’importe quel domaine d’activité et n’importe quel contexte culturel.
L’objectif étant de se concentrer sur la zone de création de valeur pour lui donner les moyens de se développer en étant créatif et innovant.
Pour ce faire, cette zone de création de valeur a besoin d’avoir accès aux informations stratégiques et opérationnelles pour pouvoir prendre les décisions liées à la production de produits et ou services.
L’approche consiste donc à transmettre les moyens de l’entreprise aux salariés pour qu’ils puissent travailler en confiance et dans les meilleures dispositions avec la chaine hiérarchique.
Le concept est simple. Des employés considérés et responsabilisés produisent un service client plus performant dans le respect de la satisfaction client.
L’objectif
Changer le modèle de partenariat de sous-traitant en IT avec des systèmes intégrés, une relation plus forte, une réactivité et une souplesse de fonctionnement adaptée aux besoins du client.
Synthèse
Avec pour objectif de créer de la valeur, la méthode de management préconisée par Vineet Nayar consiste à responsabiliser les employés en leur faisant confiance pour leur permettre d’exprimer leurs initiatives et créativité et ainsi faire émerger les talents.
Ce processus passe par l’inversion de la pyramide organisationnelle avec une implication totale des personnels comme forces de proposition et de décision.
Ce cas concret d’application d’une nouvelle approche managériale a démontré qu’il en résulte une satisfaction client et une croissance plus performante.
Il décrit comment il a entreprit la démarche pour mettre en place sa méthode du management par la confiance.
Comment mettre en place le management par la confiance en 5 étapes ?
1 – Créer le besoin du changement
Faire l’état des lieux et identifier son positionnement micro et macroéconomique.
Objectifs : définir le point A de départ et le point B d’arrivée.
Moyens : rencontrer le maximum de personnes à tous les niveaux hiérarchiques sur l’ensemble du réseau (national et international).
Rencontrer les employés dans leur zone de création de valeur (sur site)
Présenter la situation et impliquer les salariés en leur demandant de réfléchir sur les solutions à envisager pour définir un nouveau point de départ A.
Faire émerger les positionnements.
- Les transformeurs – favorables au changement.
- Les âmes perdues – contre tout quoi qu’il arrive.
- Les attentistes – ne sont pas contre mais attendent de voir comment cela se passe.
Les transformeurs souhaitent le changement car ils ont également identifié la nécessité du changement.
Les âmes perdues ne voient pas de solution et sont fatalistes face au changement qui leur semble impossible.
Les attentistes, ils observent et attendent sans donner leur avis. Ils sont ni pour ni contre. Ils attendent d’être convaincus. Ils sont majoritaires et peuvent devenir transformeurs s’ils perçoivent le changement.
Mettre au centre de l’organisation la zone de création de valeur.
Transmettre l’information à tous les niveaux de l’entreprise. Mettre au service des employés les services fonctionnels.
Modifier le rôle du dirigeant de porteur de solutions à demandeur de solutions.
2 – Créer une culture du changement
Etablir la confiance entre les managers et les employés par la transparence.
Préparer le changement des mentalités par des outils de communication internes entre les services et les employés sans faire intervenir la hiérarchie dans la communication qui peut quand même voir les échanges comme tout le monde(pas de filtres).
Exemples :
- Création de forum thématique
- Création d’un service de requête pour les employés auprès des services fonctionnels qui deviennent un réel support.
3 – Inverser la pyramide organisationnelle
Il s’agit de construire la structure du changement pour favoriser ceux qui créent la valeur et les libérer des niveaux de contrôle fonctionnels.
Permettre aux employés de première ligne de proposer les solutions car ils sont directement confrontés aux problèmes.
4 – Transférer la responsabilité du changement
Diminuer l’emprise d’une minorité pour libérer le pouvoir au plus grand nombre. Laisser les personnels trouver les solutions et les mettre en œuvre en collaboration avec d’autres services et clients.
5 – Renouveler le cycle du changement
Adapter la méthode aux évolutions technologiques en maintenant ses principes dans le temps.
C’est au Café Livre, dans le 4ème arrondissement de Paris que Roxane Nojac rencontre Chris Connors, Directeur Général d’HCL Technologies pour la France et le Bénélux. Il se fait la voix de l’auteur de l’œuvre Les employés d’abord, les clients ensuite : Comment renverser les règles de management ?
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1 – Le besoin du changement
En 2005 VN constate que l’entreprise stagne et qu’il est temps de prendre les choses en main. Leurs concurrents sont en train de les distancer et la tendance s’accentue d’année en année. Il est temps d’agir en adoptant la bonne stratégie.
Faut-il freiner, se poser les questions et entamer le changement ou accélérer pour impulser le changement en marche.
Vineet Nayar revient sur cette anecdote vécu en prenant l’avion et se retrouvant à côté d’un ancien pilote de course qui lui avait raconté comment il avait géré sa perte de frein en milieu de course. Deux options s’offraient à lui.
Accélérer et dépasser tout le monde pour avoir plus de place pour manœuvrer où ralentir et prendre le risque d’être percuté. Il choisit la première option.
2 – Créer une culture du changement
VN constate qu’il y a un fossé entre l’intention et la mise en pratique du au manque de confiance que manifestent les employés à l’égard des managers. Or cette confiance est incontournable pour que tout le monde puisse viser sereinement le même objectif.
Cela consistera à dépasser les limites de la transparence dans les décisions et les démarches à entreprendre. C’est-à-dire le pourquoi mais surtout le comment.
VN fait le constat que les salariés savent souvent mieux ce qui ne va pas dans l’entreprise et ce avant la Direction. Pour une raison simple. Ils sont en première ligne. Au contact direct avec les clients.
VN entreprit d’aller à la rencontre des salariés de HCLT avec pour objectif de leur présenter la vision de son projet, définir le point A de départ et le point B d’arrivée.
Sa première étape fût Chennai au Sud Est de l’Inde où se concentre la partie ingénierie de l’entreprise HCLT.
Il commença sa présentation devant plus de 500 ingénieurs.
Moyens : rencontrer le maximum de personnes à tous les niveaux hiérarchiques sur l’ensemble du réseau.
Après ses nombreux déplacements pour présenter la situation aux salariés les dés étaient jetés. VN avait déployé l’effet miroir. Les personnels avaient les données entre les mains. Accélérer ou freiner.
Pour créer de la confiance entre les managers et les employés il avait délivré l’information à tout le monde.
La réaction fut positive et avait créé de l’énergie et de l’enthousiasme malgré certaines inquiétudes compréhensives.
Il fallait cependant lever toutes les objections cachées avant d’entreprendre le processus du changement.
Création d’un forum interne en ligne
Un forum de discussion en ligne fut mis en place pour inciter les employés à poser leurs questions auxquelles l’équipe de Direction répondrait.
De cette façon, tout le monde pourrait participer, voir qui avait posé les questions et lire les réponses.
La démarche consistait à faire disparaitre ou tuer dans l’œuf les rumeurs ou fausses informations tout en créant une culture de la conversation libre et ainsi la confiance.
Mais comment créer une culture du changement si l’on ne perçoit pas le point A. C’est-à-dire la situation de l’entreprise et ce de manière décentralisée pour permettre aux salariés de connaitre la situation financière exacte de leur propre service.
Il fallait ouvrir les portes de l’information en interne et donner l’accès aux données de l’entreprise aux équipes.
VN, décida de faire mettre en place un système interne de communication en ligne pour que tous les personnels puissent avoir accès à des données jusqu’alors réservées à l’encadrement. De cette manière ils auraient une visibilité réelle de la situation au plus près de leur préoccupation. Leur propre service.
Quelques semaines suffirent pour que le concept soit adopté et approuvé à l’exception de quelques managers qui se sentaient privés d’un pouvoir. La rétention d’informations.
VN décida d’aller plus loin en faisant développer un tableau de bord avec encore plus d’informations à disposition des salariés.
Il en résulta une amélioration de la motivation et de la performance à tous les niveaux. L’amélioration de la transparence produisait ses effets.
Un baromètre par la transparence
Ce forum est devenu un réel baromètre de l’état d’avancement du projet sans compter les nombreuses propositions de solutions que cela générait.
Expliquer aux clients pourquoi ils arrivent en second
En 2006, HCLT décida de réunir 300 de ses clients du monde entier à Delhi. Pour aller plus loin dans la transparence, l’événement fut retransmis et chaque employé pouvait visionner la conférence sur son pc.
A l’issue de la conférence, beaucoup d’attentistes devinrent des transformeurs car ils avaient les réponses à leurs questions.
La stratégie d’HCLT a été présentée aux clients avec son concept EFCS (Employees first – Customers Second).
Seuls deux clients non convaincus ont résilié leur contrat. Les autres ont demandé « que pouvons-nous faire pour vous aider».
Les clients comprirent que la démarche leur serait profitable à l’arrivée et les salariés d’HCLT avaient assisté en direct à cette validation. Il s’en suivi plusieurs contrats important avec des clients leaders dans leur domaine à l’international.
3 – Construire la structure du changement
Pour insuffler le changement faut-il que la structure soit adaptée et n’entrave pas son déroulement avec des matrices managériales inapplicables. Il est donc nécessaire de réorganiser la zone dans laquelle se crée la valeur pour le client et l’entreprise.
Dans cette organisation les services fonctionnels de décision ne sont plus dans le contrôle de ceux qui créent la valeur. Ils deviennent des unités qui apportent des réponses aux salariés sur leurs dossiers.
Comment inverser la pyramide sans bouleverser un certain niveau de discipline et d’organisation pour que l’entreprise reste structurée et efficace.
L’idée n’étant pas de modifier les hiérarchies au sens strict du terme mais de changer la circulation de l’information pour la fluidifier et la rendre transparente vers les employés de première ligne.
D’autre part, il s’agit de permettre à cette catégorie de personnels d’avoir un retour transparent de leur hiérarchie quant à leurs demandes.
Pour responsabiliser il faut déléguer et transmettre les responsabilités sur les actions à mener et les initiatives à entreprendre dans la zone de création de valeur.
Il fut décidé de mettre en œuvre un système de requête en ligne sur le même principe qu’un SAV avec des clients.
Création d’un service de réclamation interne en ligne
VN demanda à ses équipes de créer un service de réclamation interne en ligne pour les salariés, un SSD. Chaque employé pourra désormais faire une demande aux services fonctionnels (Financier, RH, Formation) en ouvrant un dossier en ligne qui sera directement communiqué au service concerné qui devra apporter une réponse.
A partir de là, les services fonctionnels ne sont plus de simples services administratifs mais de véritables supports au service des employés pour résoudre leur problématique. La chaine hiérarchique, c’est-à-dire les managers, ne gèrent plus les demandes mais peuvent les consulter.
L’effet escompté a été sans appel. Cela a permis de mettre en évidence des problèmes qui n’étaient pas réglés à leur niveau et de réduire le circuit de communication entre un problème et une solution.
Les services fonctionnels se sont sentis valorisés et reconnus pour leur efficacité. Quant aux salariés, ils avaient enfin des réponses dans délais record.
Le système fonctionnait en mettant en évidence le besoin d’améliorer le filtre pour évacuer des demandes parfois injustifiées. Dans tous les cas, une confiance entre les différents niveaux de personnels s’instaurait doucement mais surement.
De plus, ce lien direct entre les employés et les services fonctionnels avait déchargé les managers d’une part importante des tâches administratives qu’ils accomplissaient au détriment de leur tâches et actions directement liées à leur rôle de manager. A terme, ils pouvaient se consacrer à des dossiers avec plus de valeur ajoutée et de leur niveau.
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4 – Transférer la responsabilité du changement
L’effet du changement commençait à se faire sentir et la croissance de l’entreprise entraina le recrutement de plusieurs centaines de personnes.
Avec un peu moins d’un milliard de dollars de chiffre d’affaires, HCLT menait des opérations dans dix-huit pays et dans dix secteurs verticaux avec huit gammes de services.
La révélation
Hiver 2006, Delhi. Un client international vient en visite dans les locaux d’HCLT. VN en profite pour lui parler d’un projet en cours de test dont seule l’équipe dédiée est au courant. Le projet BAIT consiste à aligner le service sur le processus du client.
Le client répond favorablement puisqu’il est déjà au courant et que les équipes de HCLT ont déjà appliqué le concept dans son entreprise.
Interloqué, VN, lui dit que c’est impossible car ce projet n’est pas encore officiel et n’a pas encore été présenté à toutes ses équipes. Le client lui confirme que c’est le cas et qu’il pourra lui présenter l’équipe qui l’a mis en place dans la réunion qui doit démarrer dans quelques minutes.
Impatient VN, attend que tout le monde soit installé et pose la question aux intéressés devant le client.
Gêné, la responsable de l’équipe explique qu’ils avaient entendu parler du projet et qu’ils leur semblaient que cela correspondait parfaitement au processus du client.
Ils avaient donc décidé d’apprendre comment le mettre en œuvre de leur côté, sur leur temps personnel, en contactant l’équipe en charge de son élaboration. Une fois prêt, le projet avait été déployé et le client était satisfait.
Stupéfait mais satisfait, VN constatait que le transfert du changement et des responsabilités avait naturellement été opéré.
Les équipes s’étaient appropriées les flux de communication en fonction des besoins du client. Alors qu’auparavant un tel processus aurait dû être validé par la Direction avec des délais assez longs avant d’être opérationnel.
Les équipes s’étaient transmises les informations entre elles et s’étaient aidées pour mener à bien une mission.
C’est tout le concept EFCS qui se mettait en place sans que la Direction n’ait à intervenir.
VN constata que son rôle de PDG n’était plus la source du changement mais celui d’un stimulateur et facilitateur. Il fallait donc repenser la nature d’intervention du PDG dans son ensemble.
Changement de rôle du PDG
Il restait à régler le flux important et persistant d’emails que je recevais pour me poser des questions et résoudre des problèmes qui relevaient plus de la compétence des demandeurs habitués à obtenir des feux vert de ma part et engageant ma responsabilité.
Il fallait inverser cette tendance pour parachever le processus EFCS. VN fit ajouter dans le SSD (système de réclamation interne) un onglet intitulé « Mes problèmes » dans lequel c’est lui qui poserai les questions pour avoir les réponses auprès des personnes compétentes et plus proches de la création de valeur dans leur domaine.
L’effet fut immédiat. Il commença à recevoir de nombreuses réponses. Cette démarche eut pour impact de responsabiliser les personnels et de leur démontrer qu’ils avaient la solution et le pouvoir de l’appliquer sans son consentement.
Le sondage d’opinion
Pour aller plus loin VN fit mettre en place des sondages d’opinion sur divers sujets concernant l’entreprise.
L’idée n’étant pas d’en suivre les avis mais de permettre aux uns et aux autres de s’exprimer, d’échanger et de débattre sur des sujets qui les concernaient.
Les résultats étaient affichés et visible par tous.
Identifier les sources de la passion
Pour identifier les sources de la passion lors des recrutements HCLT déploya le projet « Evaluation Epic ».
L’objectif étant d’identifier les valeurs qui motivaient réellement les personnels.
Un sondage a été mis en place et son succès a été très révélateur pour permettre à l’entreprise de créer des ateliers entre managers et leur équipe pour mieux se connaitre et développer là aussi des rapports de confiance plus élevés et donc motivants.
Avantages du transfert des responsabilités du changement
VN nous explique comment la concentration du pouvoir dans le service et l’économie du savoir envoie l’entreprise dans le mur en privant les zones de création de valeur d’agilité créative.
Comment la vitesse de pensée est sclérosée par trop de hiérarchie.
Le PDG doit se consacrer à ceux qui ont les compétences dans leurs domaines respectifs plutôt que de prendre des décisions basées sur des connaissances incomplètes voire obsolètes.
Vers l’autogestion
Lorsque l’entreprise et les problèmes collectifs ne sont plus centrés seulement sur le PDG mais qu’il y a un transfert vers les employés, ils veulent commencer à changer leurs vies professionnelles et personnelles.
Ils commencent à réfléchir comme des entrepreneurs et à libérer d’importantes quantités d’énergie.
VN précise que cela ne s’est pas fait sans échecs et non réponses apportées à ceux qui avaient des difficultés à assumer certaines responsabilités mais dans son ensemble le projet est une réussite.
La croissance de l’entreprise e témoigne.
5 – Renouveler le cycle du changement
Malgré les récessions de 2008 et 2009, pendant lesquelles nos concurrents licenciaient, HCLT a connu une progression de 20% et recrutait dans le monde entier et les commandes doublaient.
Ce qui démontre que le concept EFCS fonctionne bien en période difficile.
VN souligne l’intérêt de renouveler le principe de la méthode dans le temps quel que soit le dirigeant en s’adaptant en permanence à l’évolution des produits et services.
Les résultats
70% des contrats importants renouvelés.
Les contrats à 1 million de dollars et plus ont doublé.
Les contrats entre 5 et 10 millions de dollars ont quadruplé.
Les contrats de 20 millions de dollars et plus ont quintuplé.
Le taux de satisfaction des employés a augmenté de 70%.
Triplement du chiffre d’affaires sur quatre ans.
En résumé
Une méthode de management applicable dans tout type d’entreprise que ce soit une TPE, PME ou grande entreprise notamment à dimension internationale. Car il s’agit bien de principes simples et efficaces pouvant être adaptés à la taille et aux moyens de l’entreprise.
Employees First, Customers Second | VINEET NAYAR
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